Par Pauline CLAESSENS – Présidente de We-Search et diplômée en etudes européennes et administration publique (ULB)
La Belgique est une « monarchie parlementaire et constitutionnelle ». C’est donc un système politique régi par une Constitution, où le pouvoir réside principalement dans le Parlement. Mais aussi, un régime monarchique. Que cela signifie-t-il? Depuis la création du pays, en 1830, à toutes les périodes de son histoire, la « question royale » a été fréquemment soulevée. Que ce soit en lien avec les pouvoirs qui sont attribués à la famille royale, sa réaction face aux guerres, ou, plus récemment, relativement à la question de ses dotations financières, il n’est pas une année qui ne voit un article de presse ou un parti, soulever la question. Dernièrement, ce sont les Jeunes Socialistes qui, lors de l’émission de la RTBF « A votre avis » (1er novembre 2017) ont remis en question le principe monarchique: en effet, leur vice-présidente, Marie Meunier, affirmait qu’il fallait faire disparaître en Belgique tout privilège lié au sang. Mais qu’en est-il en pratique, au-delà des affirmations de principes? En effet, il est assez logique de penser que dans une société du XXIe siècle, où les libertés et l’égalité sont constamment affirmées comme principes essentiels, l’on ne puisse considérer comme juste l’existence d’une classe privilégiée. Du moins, dont les privilèges seraient liés à l’hérédité. Nous revenons ici sur quelques éléments de réflexion utiles à avoir à l’esprit au moment de parler de régime politique en Belgique. Il est en effet nécessaire de bien considérer l’ensemble des caractéristiques et traditions nationales avant d’affirmer, à l’image des Jeunes Socialistes, qu’une « république » serait un meilleur système pour le pays.
Revenons tout d’abord à la Constitution. La première mention du « Roi » est à son article 36, sous le Titre « Pouvoirs »: « Le pouvoir législatif fédéral s’exerce collectivement par le Roi, la Chambre des représentants et le Sénat. » La deuxième évocation est quant à elle liée au pouvoir exécutif: « Au Roi appartient le pouvoir exécutif fédéral, tel qu’il est réglé par la Constitution ». Plus loin, le Roi est mentionné également dans les chapitres liés à ces deux pouvoirs. Puis également, plus concrètement, la Constitution énonce que « Les pouvoirs constitutionnels du Roi sont héréditaires dans la descendance directe, naturelle et légitime de S.M. Léopold, Georges, Chrétien, Frédéric de Saxe-Cobourg, par ordre de primogéniture. » Cette dernière affirmation, ainsi que les articles qui la suivent (Chapitre III, section Ière) est clairement en lien avec la famille royale. Cependant, en général dans la Constitution, l’évocation du « Roi » se rapporte à l’action de ceux qui exercent ses pouvoirs à sa place, en vertu du texte fondamental – soit, le Gouvernement fédéral. Le « Roi » est donc une expression plus large, qui désigne davantage « le pouvoir étatique » qu’une personne physique, fût-elle de Saxe-Cobourg.
Toujours est-il que la monarchie n’apparaît pas comme une caractéristique essentielle du système, qui serait énoncée en début de texte. En fait, la Constitution débute par la définition du fédéralisme, avec la composition de la Belgique en Régions, Communautés, Provinces. La Belgique se définit donc premièrement par sa géographie. Si ceci peut sembler à ce stade un abus d’interprétation, cela nous donne un premier indice sur ce qui est possible ou pas en Belgique: si le premier adjectif qui détermine le pays est « fédéral », il est essentiel que le régime en place soit en phase avec cette caractéristique. En effet, un régime est le produit d’une histoire, d’une évolution, d’une culture, et se doit d’être en accord avec le territoire et la population qu’il recouvre. Pour étudier ces différentes dimensions, nous revenons dans cet article sur les points suivants: tout d’abord, nous observons quelques « républiques » d’aujourd’hui, pour comprendre la complexité que recouvre cette notion. Suite à cela, nous reprenons les caractéristiques institutionnelles du régime belge actuel; ensuite, ses caractéristiques comportementales, et enfin, ses déterminants sociologiques. Ceci nous permettra enfin de déterminer comment une république est ou n’est pas un système imaginable pour le pays.
Tout d’abord, qu’est-ce que la « république »? Malgré nos recherches, nous ne trouvons pas d’explication sur ce que les Jeunes Socialistes entendent par ce terme. Il n’existe pas de trace écrite de cette position. Nous revenons donc sur ce qu’on entend généralement par le terme « république ». Il s’agit donc d’un type de régime politique fondé sur la représentation populaire. Il s’oppose par définition à la “monarchie” mais ne suppose pas nécessairement la démocratie. Ainsi, tout système organisé sur un principe non héréditaire, mais basé sur le « peuple » en serait une. La Belgique, où les pouvoirs sont effectivement entre les mains du gouvernement et du Parlement, élu directement, répond déjà en partie à cette définition. Si l’on s’arrête là, l’affirmation de la vice-présidente des Jeunes Socialistes n’est pas réellement choquante, le Roi n’ayant de facto que des fonctions protocolaires, et presque aucun pouvoir. Cependant, le sens commun attribué à la « république » comprend l’idée d’un régime mené par un président, ne fût-ce que par analogie avec la « République française ». Nous considérons ici que c’est ce que la vice-présidente des Jeunes Socialistes entendait par “république”, partant du fait que l’imaginaire de ce type de régime en Belgique, est lié aux expériences limitrophes française ou allemande. C’est donc cette hypothèse, du remplacement de Roi par un président, que nous étudions ici (1).
La France n’est en réalité pas un régime « présidentiel ». Sur le plan institutionnel, il est ce qu’on appelle un régime « semi-présidentiel ». En effet, le système politique de la France est un mélange de système présidentiel et de système parlementaire: malgré la désignation par suffrage direct d’un président comme Chef d’Etat, l’Assemblée nationale reste très importante, et malgré l’évolution du régime vers davantage de pouvoir pour l’exécutif – renforcé notamment avec l' »état d’urgence » -, elle reste dépositaire du pouvoir populaire. Le gouvernement français est dirigé par un Premier Ministre. Au final, le régime de la République française est ainsi marqué par une double légitimité, du Président et du Parlement, mais en parallèle d’un pouvoir réservé au Président important, qui nomme et révoque d’ailleurs son gouvernement. Ce-dernier est cependant contrôlé par le Parlement. Le système français est ainsi tiraillé entre un système “à l’Américaine”, où le président a beaucoup de pouvoir, et où l’opposition se situe entre exécutif – le Président et son Cabinet – et législatif; et un système où tout pouvoir exécutif émane du Parlement, lequel est divisé principalement entre orientations partisanes. Ce dernier système, on le reconnaît, est en fait davantage celui de la Belgique.
Reprenons un point déjà évoqué: ce qu’on entend par la « république » est donc un régime avec un président. Mais, on le voit déjà, la France ne fonctionne pas de la même manière, sur le plan politique, que les Etats-Unis. Les pouvoirs du président, la place de l’Assemblée, ne sont pas les même, ainsi que leurs traditions politiques respectives.
A côté de cette république, nous pouvons en évoquer une autre: l’Allemagne. Ce pays comporte lui aussi un président comme Chef d’Etat, désigné par le Parlement. Est-ce un régime présidentiel ou semi-présidentiel pour autant? La réponse à cette question est en réalité non: en fait, le président allemand a pour ainsi dire les mêmes pouvoirs que le Roi en Belgique. L’Allemagne est un régime où le parlement fédéral est très important; il est l’origine du pouvoir du gouvernement, dont le chef – le Chancellier – doit pouvoir faire sortir une majorité claire. Le Parlement est divisé suivant les lignes partisanes, selon les partis au pouvoir. Nous voyons donc que l’existence ou non d’un président préjuge de peu sur la nature réelle du régime. D’où l’importance de comprendre les caractéristiques intrinsèques de ceux-ci. Les présidents allemand, français, ou américain, sont très différents en termes de pouvoirs et attributions. C’est donc la quantité et la qualité de pouvoirs qui sont donnés à un Président qui comptent, davantage que d’appeler ce-dernier par ce terme.
Revenons donc à la Belgique. Sur le plan institutionnel, ne tergiversons pas: clairement, c’est un régime parlementaire. La Chambre est l’organe central du pouvoir fédéral, et elle dispose de pouvoir étendus ainsi que d’une légitimité populaire directe, contrairement au gouvernement. Ce-dernier est d’ailleurs nommé par le Parlement – via la « confiance », qui lui est accordée en début de législature. Le gouvernement reste d’ailleurs responsable devant le Parlement, qui peut poser des questions, interpeller les ministres, créer des commissions d’enquête, etc. En contrepartie, le gouvernement peut en cas de crise dissoudre le Parlement, et provoquer de nouvelles élections. Quant à l’opposition centrale au système belge, nous n’apprenons à personne qu’il s’agit de celle entre majorité et opposition: comme en Allemagne, le Premier Ministre – Chef du Gouvernement – compose une majorité à partir du résultat des élections, et les partis qui sont laissés en-dehors du gouvernement forment l’opposition pour la durée de la législature. Le Premier Ministre, nous l’avons noté, est le Chef du Gouvernement. Le Chef d’Etat est le Roi. Cette division de l’exécutif est commune avec l’Allemagne, dont le Président est Chef d’Etat, tandis que la Chancellière est Chef de Gouvernement. Communs encore, le rôle de ces Chefs d’Etat: ils ont tous deux pour attribution de désigner le Chef de Gouvernement, pour qu’il forme ce-dernier, et diverses fonctions protocolaires. En France, si le Chef d’Etat est bien le Président, comme en Allemagne, c’est cependant lui qui a la mainmise sur le vie politique, et il contrôle son Chef de Gouvernement. Pour savoir quel est le personnage le plus important de l’exécutif national en Europe, il suffit d’observer les sommets européen: le Conseil européen est formé des Chefs d’Etat et de Gouvernement, selon leur rôle: le Premier Ministre belge y côtoie le Président français et la Chancellière allemande – non son président.
Sur le plan institutionnel, des choix sur ce que serait une « république belge » devraient être posés: garde-t-on un système purement parlementaire, avec un président « à l’Allemande », ou accorde-t-on à celui-ci un pouvoir davantage proche de ce qu’on retrouve en France? Là, il nous faut nous tourner vers les éléments comportementaux et sociologiques, intériorisés dans le système politique belge: en bref, notre monde politique peut-il se tourner vers un système « à la Française » ou « à l’Américaine », alors qu’il est davantage proche de l’Allemagne sur le plan institutionnel?
Sur le plan du comportement des acteurs de la sphère politique, deux grands type de systèmes existent: “adversériels” ou consensuels. Dans le « pays du compromis », où la recherche du consensus est à l’origine d’un enchevêtrement très complexe de législations à différents niveaux de pouvoir, il est clair que le conflit n’est pas mis en avant. Dans un système consensuel, le coeur du jeu politique est la collaboration entre les partis et entre majorité et opposition, dont le rôle est d’améliorer le travail du gouvernement par des amendements constructifs. Les différences étant considérées comme dangereuses pour le pays, les programmes partisans sont assez proches, alors que les partis défendent une population large et divers intérêts. Le principe de collaboration est ce qui permet aux partis perdants d’accepter la défaite. Ainsi, le manque d’alternance au pouvoir en Belgique, souvent critiqué, est dû à cette caractéristique intrinsèque du système belge, où les partis ne sont pas nécessairement dans la confrontation. Au contraire, ils peuvent collaborer entre eux… quand bien même ils s’affrontaient lors des précédentes élections. Ici apparaît une forte différence avec le régime français, largement plus basé sur la confrontation, et dont les partis tendent tout de même à représenter des intérêts différents. Ces éléments peuvent cependant être nuancés, tant en France qu’en Belgique. Cependant, la Belgique reste clairement un pays de culture consensuelle. Ceci est lié, comme nous le notons ci-dessous, à son histoire.
Sur le plan sociologique, en effet, la Belgique est un pays historiquement divisé. Culturellement parlant, comme dans la plupart des pays européens, le pays est scindé entre groupes sociaux structurés – ne fût-ce qu’en partis. Les ouvriers, les catholiques, les libéraux, sont trois groupes majeurs en Belgique, mais qui existent également ailleurs. En France, ces groupes existent encore, et ils sont visibles notamment autour de grandes manifestations organisés – le cas du Mariage Pour Tous/Manif Pour Tous en est emblématique. Mais en Belgique, comme d’ailleurs aux Pays-Bas, s’est développé un système spécifique, où la division de la société est institutionnalisée: ce système, appelé « consociation », théorisé par Arendt Lijphart, comporte les caractéristiques suivantes: une société divisée en « piliers » étanches, avec un maillage de la vie sociale par ces-derniers. Ces « mondes sociologiques » sont hétérogènes, et ne se mélangent pas; ou du moins, ne le faisaient pas. Concrètement, ces piliers sont en Belgique le monde ouvrier, le monde libéral, et le monde catholique. Chacun possédait ses propres institutions: son parti, sa mutuelle, son journal, son éducation, son club de sport… et sa population, qui ne s’associaient pas. Bien entendu, le système a évolué au cours du temps, et il n’existe en Belgique que des reliquats de ces piliers. Cependant, l’organisation et la culture politique issues de cette histoire restent ancrées. En effet, pour construire un pays, et donc un ensemble de législations dans une société aussi segmentée, il fallait mettre en place des mécanismes de coopération entre piliers. Et c’est là que les élites ont pris le rôle qu’elles gardent aujourd’hui: celui de s’élever au-delà des oppositions ancrées dans la population, pour coopérer entre elles. C’est dans cette histoire sociologique de la Belgique que le consensualisme prend ses racines, tout comme d’ailleurs le principe de proportionnalité dans le résultat des élections. Ainsi plutôt que d’opter pour un régime davantage segmenté et penchant vers l’adversarialité, comme celui vers lequel la France tend, la Belgique a choisi d’opter pour une intégration de ses divisions internes. Le produit de ce choix est un régime d’une grande complexité, de par sa volonté de prendre en compte tous les intérêts représentés.
Nous voyons donc à quel point le régime belge est le produit de son histoire, et surtout de sa culture politique qui reste ancrée. Cette description brève montre en effet combien le choix d’opter pour un régime présidentiel ou semi-présidentiel, par nature majoritaires, comporte des difficultés. Ils impliquent en effet de repenser la place du Parlement, du Gouvernement, du Premier Ministre, mais également, mèneraient à une redéfinition de la place des partis, qui seraient poussés à s’affronter dans une compétition électorale majoritaire, ne fût-ce que pour la désignation du président, qui deviendrait dès lors centrale. L’avenir du fédéralisme serait en outre également à étudier: quel serait le rôle du président eu égard aux Communautés et Régions? Comment les partis, soumis à des régimes proportionnel au niveau des entités fédérées, mais davantage majoritaire au fédéral, gèreraient-ils cette ambiguïté? L’adversarialité développée au niveau fédéral pourrait causer des problèmes au niveau régional ou communautaire: comment créer une majorité à ce niveau tandis que l’on vient de s’affronter au niveau fédéral? Il peut être argumenté que ce genre de changement serait bénéfique puisqu’il permettrait de mettre fin à des accords entre partis, qui déçoivent fréquemment leurs électeurs, ainsi que de mettre en place une meilleure alternance au pouvoir. Mais il causerait également une chance accrue, une fois un parti au pouvoir, qu’il soit doté, seul, d’un pouvoir plus important, lui permettant de changer des éléments essentiels du système. Des questions se posent également quant à la représentation des groupes linguistiques au gouvernement: la N-VA étant le parti le plus puissant en Belgique au dernières élections fédérales, qu’en serait-il des francophones si un président N-VA était élu? Quelles alliances seraient créées pour mettre derrière un candidat président, plusieurs partis? L’apparition d’un système électoral plus majoritaire causerait l’évolution du spectre partisan vers la création de plus grands partis, ou groupes de partis, capable d’atteindre la présidence. Ceci remettrait en cause la représentation des minorités au sein de ces groupes. Il semble donc peu probable qu’un tel système puisse être mis en place en Belgique: l’existence de communautés linguistiques importantes vivant en parallèle, avec leur propre système de partis, rendrait complexe le passage à un système de gouvernement composé autrement que par la construction d’une majorité de partis appartenant aux deux Communautés. L’on voit déjà les remous qu’a provoqué en 2014 la présence d’un seul parti francophone dans le gouvernement Michel.
L’existence d’un président ayant de larges pouvoirs est ainsi difficilement envisageable, ou supposerait des aménagements très complexes, pour éviter qu’une Communauté soit lésée par la mainmise sur le pouvoir d’un parti de l’autre communauté. Pourrait-on penser à un système à deux présidents? Renvoyons donc ici aux difficultés de l’Union européenne, au moment de déterminer qui est son vrai « chef ». Un président d’une Communauté, un Premier Ministre de l’autre, alors? Cela supposerait que les élections mènent à deux vainqueurs, l’un dans chaque communauté. Bien que pensable, le système mènerait à une division encore plus forte de la compétition électorale entre les Francophones et Flamands. Le problème majeur de ce type de configuration est que l’organisation de deux compétitions électorales séparées donnerait des résultats peut-être très différents: la cohabitation d’un président PS avec un premier ministre N-VA fonctionnerait-elle? En France, il a existé des périodes où le Président et le Premier Ministre n’étaient pas de la même couleur politique, puisque les présidentielles et législatives étaient éloignées dans le temps. Cependant, cela serait encore différent en Belgique en raison de la dimension linguistique de l’affrontement politique.
Nous ne pensons pour notre part que les caractéristiques sociologiques de la Belgique ne permettraient pas à un système à dimension majoritaire de fonctionner. Il risquerait de mener à des affrontement violents, et à une division encore plus forte du pays. Lorsque les acteurs en présence lors de l’émission d’où part cet article, et notamment la vice-présidente des Jeunes Socialistes, appellent cependant à garder dans un premier temps la monarchie pour « ne pas faire le lit des extrêmes », il ne pourraient mieux dire: l’instauration d’un système majoritaire, basé donc intrinsèquement sur la mise en opposition des parties en présence, risquerait au-delà de mener à une compétition plus forte peut-être entre partis politiques, de causer une division du pays encore plus profonde, entre communautés linguistiques. Un système républicain n’est ainsi dans notre analyse possible que s’il ne fait « que » remplacer le Roi par un Président doté des mêmes pouvoirs. « A l’Allemande », donc. Ceci permettrait ainsi de ne pas changer la nature profonde du système, qui resterait de nature parlementaire, et donc de limiter les incertitudes.
Les avantages d’opter pour un président sont clairement de choisir un système ou l’hérédité n’offre plus de droits et de rôles sur le plan politique en Belgique, du moins sur le plan formel. Ceci semblerait en effet coller davantage aux idéaux du XXIè siècle, notamment d’égalité. Nous ne revenons pas ici sur les arguments financiers, puisqu’à certains égards, un Président pourrait coûter aussi cher qu’un Roi, et toutes les modalités sont imaginables sur ce plan. Revenons cependant sur la symbolique de la royauté en Belgique. Considéré comme garantie d’unité, par sa nature a-politique, a-linguistique, le Roi est proprement « neutre ». Dès lors, ils convient parfaitement à un système distendu entre oppositions diverses. En Allemagne, le Président n’est pas élu directement par la population, mais par le Parlement. Il bénéficie donc d’une légitimité indirecte. Ceci nuance donc l’idée que l’existence d’un président mène nécessairement à une polarisation du scrutin. L’absence de légitimité directe du Président limite clairement ses pouvoirs. Mais en contrepartie, sa désignation refléterait la majorité en place, ou serait le produit d’un accord entre partis. Ceci ne serait donc pas satisfaisant pour les partisans d’un système davantage direct, mais aussi, mettrait à mal la neutralité de la fonction aujourd’hui occupée par le Roi. Ceci étant posé, politiser cette-dernière serait-il nécessairement néfaste?
Il serait intéressant de réfléchir à des modes de désignation alternatifs, qui excluraient ou limiteraient la dimension politique de la désignation du Président: pourquoi ne pourrait-il pas avoir appartenu à la haute administration, et ainsi connaître très bien les dimensions protocolaires du rôle royal, ou être désigné par un système de tirage au sort parmi une liste de candidats soumis par le Parlement, avec ou sans processus d’auditions comme il existe au niveau européen pour les Commissaires? Entre élection directe et hérédité, il y a tout un éventail de possibles. Si il ne faut pas « faire le lit des extrêmes » en donnant à certains partis voulant la fin de la Belgique l’occasion de transformer le débat sur la monarchie en un débat sur la fin de la Belgique, il convient cependant de penser la fonction royale en tenant compte des évolutions de notre siècle. Mais aussi, au-delà de cette dernière, de tenter de supprimer tous les privilèges qui existent encore aujourd’hui. Marie Meunier, dans son intervention sur la RTBF, mentionnait les privilèges de l’hérédité et du sang, il est vrai, mais également de la richesse. Ainsi avant même de penser l’élection directe d’un président comme moyen de supprimer des privilèges, faut-il penser à tous ces privilèges qui existent encore et sont davantage ancrés et bien moins contestés que l’hérédité. Le système électoral, aussi démocratique sur papier qu’il puisse l’être, est en effet un lieu de reproduction sociale, une arène à laquelle la plupart des individus n’ont pas accès. Trump, élu directement, est en effet le stéréotype magnifié de l' »homme blanc », bourré de privilèges, et riche à en être élu.
(1) Notons cependant que le terme « république » est très large; le sens qui y est donné aujourd’hui en Belgique, en France ou aux Etats-Unis – notamment dans la définition du parti républicain – diffère, ainsi que dans l’Histoire. Le sens du concept énoncé à l’époque de la formation des Etats-Nations, ou encore dans l’Antiquité, n’est pas nécessairement identique à son acception actuelle. Nous n’abordons pas plus avant cette question de définition, et nous remettrons à la définition brève énoncée ci-dessus, dans le cadre de cet article.