Par Daphnée Renard, étudiante en 1ère année de licence de Sciences politiques à ESPOL (Lille)
A l’occasion de son 75e anniversaire, l’armée nord-coréenne a récemment célébré sa naissance au travers d’une parade militaire à Pyongyang. L’occasion de montrer au reste du monde un nombre record de missiles balistiques intercontinentaux, pouvant transporter des ogives nucléaires.
La Corée du Nord, puissance nucléaire
Si la Corée du Nord n’est jamais attaquée car redoutée de par sa possession de l’arme atomique, cela ne semble pas convenir à son dirigeant Kim Jong-Un, qui souhaite tout de même se proclamer comme une puissance nucléaire complète.
Entre tests d’armements toujours plus nombreux, collaboration avec la Chine, relations diplomatiques presque inexistantes : la paix ne semble être qu’une fantaisie, voir une mauvaise blague, aux yeux du dictateur nord-coréen.
La récente coopération entre Séoul et Washington sur des exercices aériens n’a fait qu’attiser la colère de ce dernier, franchissant « une ligne rouge extrême », qui ne semble depuis toujours tenir qu’à un fil.
Faut-il alors s’attendre à l’explosion de la bombe à retardement qu’est la dynastie communiste nord-coréenne ?
La Corée du Nord, un État seul contre tous
Dictature depuis sa création en 1953 suite à la guerre de Corée, la Corée du Nord reste encore aujourd’hui le pays le plus fermé au monde. Dans un climat où règne une paranoïa aigue, le renforcement de l’armée nord-coréenne semble être la ligne de vie de son dirigeant, tandis que la misère absolue dont suffoquent les habitants lui reste pour le moins insignifiante.
Si 20% de la population nord-coréenne ne trouve pas à manger suite aux famines qui persistent dans l’ensemble du pays, 25% du budget de l’État est consacré à l’armée, regroupant plus d’1 million de soldats suréquipés et réputés pour leur grande susceptibilité.
Fort est de constater que la politique extérieure nord-coréenne est principalement centrée sur la force et le pouvoir militaire.
Un État en guerre perpétuelle
Le 06 février 2023, Kim Jong-Un a appelé son pays à accroître de manière « exponentielle » son arsenal militaire, dans le but d’une « potentielle préparation à la guerre », suite à l’attitude de Washington et Séoul, qui pourrait « déclencher une confrontation totale ». Mais il paraît évident que si guerre il devait y avoir, cette dernière serait unilatérale. Il est de facto propre à la Corée du Nord elle seule de percevoir les autres régimes du globe comme une constante menace potentielle, d’où sa production en masse d’armes nucléaires tactiques et de nouveaux missiles balistiques.
Pyongyang cherche à se faire craindre, et le montre avec brio : 2022 lui accorde un nouveau nombre record de tests d’armements.
Il va de soi de s’interroger : pourquoi privilégier cette crainte d’être dans le futur menacé, plutôt que prioriser l’assurance d’un présent calme et certain ?
Le rejet de la diplomatie
Si le soft power et la diplomatie sont des outils nécessaires au pouvoir et au maintien de la paix pour la plupart des pays du monde, ils semblent ne pas exister ou n’être que futilités pour le dirigeant nord-coréen. Avec environ 5 000 touristes par an, un contrôle total des médias, peu ou pas d’exportation de produits étrangers, la Corée du Nord semble vivre sur une autre planète, isolée et contre tous.
Pour mieux comprendre cette idéologie, bien qu’elle paraisse surprenante aux yeux des occidentaux, il faut remonter l’histoire.
Depuis 1998, le développement de la force militaire est au cœur du fonctionnement du pays, et cela se voit notamment à travers les différentes politiques du régime : la politique de Songun (« l’armée d’abord ») établie par Kim Jong-Il, suivit de la politique Byongjin (« co-développement ») établie par son fils cadet Kim Jong-Un. Toutes deux se basent sur l’indépendance avec l’autonomie militaire, l’autosuffisance économique et enfin l’indépendance politique.
Il semblerait donc que cette volonté de prospérité nucléaire touche les différentes générations de la famille dirigeante, n’en déplaise les autres puissances du globe, qui se sentent constamment menacées.
Rappelons-nous également que dans les faits, les deux Corées sont toujours en guerre, puisqu’aucun traité de paix n’a été signé, seulement un armistice en 1953.
Malgré les nombreuses sanctions reçues, notamment par les États-Unis, la Corée du Nord continue de lancer des missiles près du Japon, de la Corée du Sud. Démonstration de pouvoir ? Provocation ? Simples essais techniques ?
La peur de l’échec comme moteur
Si Kim Jong-Un semble se montrer intouchable, cette facette redoutable ne cacherait-elle pas la peur de l’échec de son régime ?
Si la Chine démontre qu’un régime communiste peut faire d’un pays l’une des plus grandes puissances du monde, l’ouverture aux autres états reste pour le moins primordiale au soft power.
Pourtant, en l’absence de toute diplomatie et coopération, le régime nord-coréen, malgré sa puissance militaire, semble rester insensible à cet aspect politique.
Justement, le dirigeant nord-coréen ne concentrerait-il pas sur la puissance militaire, ayant conscience que son régime est menacé sous les autres angles (famine, économie faible…) ?
Ne se montre-t-il pas imprévisible, pas peur d’être vu comme faible ? Ou par crainte de déshonorer la dynastie dont il est membre ?
La Chine: un partenaire privilégié
En novembre 2022, Xi Jinping, actuel président de la Chine, avait fait part de ses intentions de « contribuer positivement à accélérer la paix, la stabilité, le développement et la prospérité de la région et du reste du monde. (…) Le monde, l’époque et l’histoire sont en train de changer d’une façon sans précédent. »
La Chine étant la principale alliée de la Corée du Nord, comment interpréter des mots qui paraissent à première vue inoffensifs, lorsqu’ils sont écrits par des hommes qui ne croient pas en la démocratie ?
Rappelons que pour Xi Jinping et Kim Jong-Un, la démocratie est un régime politique voué à l’échec.
Ainsi, ces discours pacifiques de premier abord échangés entre les deux dirigeants ne cacheraient-ils pas une stratégie politique ou d’influence ?
Seul l’avenir nous le dira, un avenir qui respire plus que jamais dans un air oxygéné par l’autorité, le pouvoir, et la peur. Les lancements de missiles balistiques semblent être devenus une habitude.
Le vendredi 10 mars 2023, le dirigeant nord-coréen, accompagné de sa fille, a supervisé un exercice de tirs de missiles. Ce dernier se montre impassible quant à sa vision de la guerre : ses soldats se préparent pour deux missions : dissuader la guerre, ou prendre l’initiative de la déclencher.
L’arrivée d’une « guerre réelle » orne donc l’esprit de Kim Jong Un.
Et qu’en est-il de la paix ?
Aux vues de sa préparation à l’offensive, la paix ne se montre pas comme suffisamment fiable dans l’esprit de dirigeant.
Si les relations entre les deux Corées sont inexistantes depuis plusieurs années, l’alliance de Séoul et Washington semble néanmoins être une menace majeure pour la Corée du nord. Cette dernière montre une tendance à l’agressivité croissante depuis le début de l’année, à défaut de chercher durant ces dernières années un potentiel accord ou une entente diplomatique avec sa jumelle du sud ou les États-Unis.
A quoi s’attendre pour le futur?
On pourrait espérer une évolution du régime si Ju Ae, la fille de Kim Jong Un, prend un jour le pouvoir. Récemment surmédiatisée et proche des activités militaires de son père, la fillette de 10 ans semble être destinée à prendre en main le futur du pays.
Pourrait-elle incarner un nouvel espoir vers un régime moins autoritaire ?
Bien qu’exposée depuis seulement quelques mois aux yeux du monde entier, certains signes nous poussent déjà à croire que la dictature ne s’arrêtera pas après elle.
Son prénom, tout comme ceux des anciens dirigeants est déjà devenu interdit dans le pays. Elle apparaît sur les timbres, et se voit accompagner de près son père dans toutes les opérations militaires. Ce dernier la met particulièrement en avant et apparaît parfois comme un bras droit. L’enfant semble déjà préparée de manière précoce à diriger, sous les pas de son père. Marchera-telle dans ses empreintes ?
Ou prendra-t-elle son propre chemin ?
Sera-t-elle encore plus à craindre que Kim Jong-Un ?
BIBLIOGRAPHIE
Rapports
Hellendorff, Bruno, Kellner, Thierry, « Crise Nord-Coréenne. Diplomatie, menace nucléaire et défense antimissile », 2016/9, GRIP, disponible en ligne: https://www.nonproliferation.eu/wp-content/uploads/2019/11/Rapport_2016-9.pdf
Presse
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« La Corée du Sud et les États-Unis effectuent des manœuvres militaires aériennes conjointes en mer Jaune», 02/02/2023, Le Monde, consulté le 08/02/2023: https://www.lemonde.fr/international/article/2023/02/02/la-coree-du-sud-et-les-etats-unis-effectuent-des-man-uvres-militaires-aeriennes-conjointes-en-mer-jaune_6160191_3210.html
Mesmer Philippe, « Entre Corée du Nord et Corée du Sud, un début d’année sous haute tension », 03/01/2023, Le Monde, consulté le 08/02/2023: https://www.lemonde.fr/international/article/2023/01/03/entre-coree-du-nord-et-coree-du-sud-un-debut-d-annee-sous-haute-tension_6156426_3210.html
« Chine – Corée du Nord : Xi Jinping propose à Kim Jong Un de coopérer pour la paix dans le monde », 26/11/2023, TV5MONDE, consulté le 09/02/2023: https://information.tv5monde.com/info/chine-coree-du-nord-xi-jinping-propose-kim-jong-un-de-cooperer-pour-la-paix-dans-le-monde
« Kim Jong Un supervise une grande parade militaire en Corée du Nord », 09/02/2023, FRANCE24, consulté le 09/02/2023: https://www.france24.com/fr/asie-pacifique/20230209-kim-jong-un-supervise-une-grande-parade-militaire-en-corée-du-nord
« Corée du nord : Kim Jong Un annonce de nouveaux objectifs militaires pour 2023 », 28/12/2023, FRANCE24, consulté le 10/02/2023: https://www.france24.com/fr/asie-pacifique/20221228-corée-du-nord-kim-jong-un-annonce-de-nouveaux-objectifs-militaires-pour-2023
« Corée du Nord : Kim ordonne des manœuvres militaires en vue d’une « guerre réelle » », 10/03/2023, Les Échos, consulté le 12/03/2023: https://www.lesechos.fr/monde/asie-pacifique/coree-du-nord-kim-ordonne-des-manoeuvres-militaires-en-vue-dune-guerre-reelle-191393