Compte-rendu : une « Bufférence » pour discuter de la désignation du vainqueur

Par Pauline CLAESSENS – Présidente de We-Search et diplômée en etudes européennes et administration publique (ULB)


Ce samedi 24 mars 2018, s’est tenue la deuxième édition de la Bufférence de We-Search. L’occasion de revenir sur le concept qui est au cœur du travail de l’ASBL.

Qu’est-ce qu’une « bufférence » ?

Le mot-valise  est évocateur : « buffet » et « conférence » se trouvent mêlés. A mi-chemin entre transmission du savoir académique (traditionnellement par le biais de conférences en auditoire) et recherche de convivialité (rien de tel qu’un buffet), la bufférence se veut une alternative à ce qui se fait dans le monde académique traditionnellement. Plutôt que de faire une recherche, de la publier ensuite , et enfin de la présenter, We-Search entend faire du moment de transmission du savoir une occasion de discuter du sujet de recherche, et des premières analyses, par le biais de tables de discussions .

En pratique, trois tables de discussions. Et à chaque table, un étudiant participant au projet présente brièvement à ses convives le produit de sa recherche, encore en construction (la publication finale des articles n’est prévue qu’en fin d’année académique). Vient ensuite le moment de discussion, où le public, fait d’étudiants, de chercheurs, doctorants, anciens étudiants, et praticiens, entre en action. C’est alors le moment de la co-construction du savoir. Les étudiants participants au projet voient leur projet de recherche questionné, remis en question même, et sont poussés à la réflexion quant à leurs conclusions. Le public stimule leur esprit critique, et, par sa diversité, apporte de nouveaux éclairages sur le sujet. Le but de l’évènement est ainsi que la recherche soit enrichie par de nouveaux éléments, même s’il s’agira peut-être pour l’étudiant d’avoir à mieux définir le cadre de sa recherche.

We-Search ou la conviction du potentiel des travaux d’étudiants

We-Search croit en la capacité des étudiants d’apporter de nouveaux souffles à la recherche ; déjà formatés en partie par le monde académique, ils ne sont cependant pas tenus comme les chercheurs aux normes de publication, et autres exigences que forment le monde de la recherche d’aujourd’hui — voir à ce sujet les We-Discuss publiés précédemment par G. Grignard ou G. Van Bever. De plus, la recherche de multidisciplinarité, avec l’étude d’un même thème par plusieurs disciplines, est un apport clair au monde académique, qui souffre parfois de sa division. Ce thème de la multidisciplinarité, et son application dans le cadre du projet, pourrait faire l’objet d’un article à lui seul. Dans le cadre de ce We-Discuss, nous ne nous attacherons qu’à la description brève des recherches présentées lors de la bufférence de ce samedi ; ceci témoignera déjà d’une belle diversité d’angles d’attaque du même sujet — « désigner le vainqueur ».

Un thème, sept présentations

Le premier tour de présentations a permis au public de la bufférence de s’intéresser à trois domaines : le droit, les mathématiques et la sociologie.

  • Marina Libert, étudiante en bachelier en droit, a ainsi abordé la question de la médiation, questionnant sa capacité à être une vraie alternative à un procès. Sa présentation a mené à une discussion sur les différences de nature entre le procès et la médiation, cette dernière se présentant comme alternative viable principalement dans un contexte où il y a incertitude quant aux conséquences possibles de ce dernier — dans le cadre d’un divorce par exemple.
  • Au même moment, Panagiotis Giannakakis abordait sous l’angle de la sociologie le jeu, comme « espace intersubjectif ». Pris comme un monde spécifique, créé virtuellement, le jeu devient une « usine à vainqueurs ».
  • À la table d’à côté, Nina Glassée, étudiante de mathématiques, parlait de la théorie du choix social dans le cadre électoral. Bien que ce soit rarement fait dans le monde académique, cette intervention et le débat qui a suivi, tentaient de faire dialoguer  sciences politiques et mathématiques, un vrai défi.

Le tour de discussion  suivant accueillait deux nouvelles présentations.

  • Maxime Henrion, étudiant de bachelier en sciences politiques, a abordé le vocabulaire de la victoire dans les écoles de commerce. L’ULB comportant elle-même une faculté dédiée au monde économique — Solvay — ce travail est l’occasion rêvée de comprendre l’impact de concepts sur un domaine d’études, au sein même du monde académique.
  • En parallèle, We-Search se voyait accueillir un autre domaine d’études, avec l’étudiant historien Sergio Urussov, qui présentait sa recherche sur la mémoire historique dans la Russie contemporaine. Il y étudie notamment comme la figure du Tsar a changé dans l’histoire récente du pays, pour revenir en force après une période d’oubli. Le débat qui a suivi la présentation s’est également questionné sur la prégnance de figures comme celle de Staline. Ici donc, la victoire était celle d’une image, d’une version de l’Histoire, par rapport à une autre.

Enfin, la troisième partie de l’après-midi voyait deux nouvelles présentations et débats se tenir :

  • Alexandre Bartholomeeusen, étudiant de master en droit, y abordait sa recherche sur la façon de définir un vainqueur dans le système judiciaire, avec le procès comme moment clef. Le débat était en outre l’occasion de revenir sur les questions liées à la médiation, et les potentielles inégalités qui existent dans le monde judiciaire.
  • Enfin, Guillaume Grignard, vice-président de We-Search, avec l’historien Simon-Marin Ghys, a présenté leur recherche portant sur la désignation du vainqueur dans une compétition de musique classique. Basée sur une recherche empirique conduite auprès de musiciens, la recherche vise à comprendre comment, dans un contexte artistique, un « meilleur » peut être désigné.
Et après ?

Au-delà d’être une occasion pour les étudiants d’exercer leurs compétences de prise de parole  en public et d’argumentation scientifique, et pour le public de débattre, la bufférence est un vrai moment d’apprentissage. Point d’orgue de l’année We-Search, elle n’est cependant que l’annonciation d’un autre moment important : la publication du journal annuel We-Search. Cette publication n’est pas un journal scientifique au sens formel, puisqu’elle ne bénéficie pas d’un comité de lecture scientifique. Ceci, bien que pouvant être déploré — sommes-nous légitimes pour parler de «recherche » ? — est à la fois une garantie de liberté de cette dernière. Nous en revenons à la volonté de promouvoir une recherche méthodologiquement innovante, capitalisant sur le non-formatage total des étudiants. Afin d’assurer à ces derniers de faire une recherche intéressante, correspondant à leurs niveaux d’étude et disciplines différentes, il est nécessaire de garder une ouverture. Ceci implique également une plus grande largeur  d’esprit par rapport aux critères d’acceptance. We-Search, pour reprendre le thème de l’année 2016-2017, se veut une association où le libre-examen — le rejet de l’argument d’autorité — n’est pas seulement une question de discours, mais également de pratique.

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